Quand on veut faire un cadre de biporteur ou construire un châssis de remorque, se posent rapidement des questions précises et concrètes de dimensionnement. Quelle diamètre pour la gueule de loup de ce tube ? Où vais je trouver un tube rond dans lequel je pourrai insérer ce roulement de pédalier ou de direction ?
Des normes discutables
Si l’on souhaite acheter des pièces spécifiques au travail de cadreur, un avantage et deux inconvénients se posent.
-Avantage : les pièces sont déjà conçues et usinées pour la mécanique vélo. Elles correspondront aux besoin du milieu, que ce soit en terme de souplesse, légèreté, solidité de l’acier, ou de dimension des diamètres. Il n’y a pas quinze standards pour le diamètre extérieur roulement de pédalier. A ma connaissance, il n’y en a même que 3 encore pratiqués (sans parler des questions sens de taraudages et de pas de vis.) Peut-être un peu plus en vrai, avec des marques cherchant justement à se démarquer. Il n’y en a pas beaucoup plus pour les diamètres intérieurs ou extérieurs de jeux de direction. L’avantage des pièces taillées sur mesure pour les normes du secteur, c’est que tout est ajusté. Pas besoin d’aller chez le tourneur, ni de passer trop de temps à la meuleuse droite.
-1er inconvénient : ça coûte bien plus cher. Toutes ces pièces fabriquées pour le cadreur partent du principe qu’on est sur un marché de niche où on peut marger salé, que le cadreur indépendant lui-même est sur un marché de niche et a accès à des clients fortunés prêts à débourser sans trop compter pour un vélo unique, justement pour qu’il soit unique. C’est souvent vrai, mais regrettable. Les nantis sont le seul à avoir droit à l’authentique, à l’original, à se distinguer. C’est même une des fonctions de la richesse, non ? Je vous renvoie à vos bases, la consommation ostentatoire, notion d’un des 1ers chapitres du programme de SES de 2nde.
-2nd inconvénient : le manque de souplesse ; avec ces normes, on ne trouve pas nos tubes n’importe où, il faut les commander à l’avance, Attendre de se les faire livrer, ils n’auront pas nécessairement la longueur requise ou la solidité désirée pour un usage donné. Ce dernier point changera peut-être, dans la mesure où l’essor des vélo-cargos pousse en faveur de l’émergence de standards vélos adaptés à ces contraintes supérieurs de tenue mécanique. Mais là aussi, et même plus encore que dans le monde du vélo classique, les prix restent excessifs, réservés à des privilégies, nous renvoyant au premier problème mentionné. Il est en général difficile de faire du sur mesure dans ces conditions.
Exposé à ces problèmes, je me suis creusé le ciboulot et ai pas mal scrollé les catalogues de tubes. et ouverts des onglets, ces temps ci. Une passion bien insolite, scroller des catalogues de tube de ferraille… Si seulement c’était passionnant. Nécessaire certainement. En fait en y réfléchissant bien, il est possible et parfois nécessaire de sortir des carcans des normes du secteur. Pour cela il faut assumer de sortir des normes, envisager que ce soit possible, et là on trouve des solutions qui ouvrent de nouvelles perspectives.
Internet est ton ami
Pour composer avec les matériaux du marchand du coin, ou même avec les tubes du ferrailleur local, il est un miracle de tous es jours. Le monde de la mécanique est bien plus large que la mécanique cycle, et regorge de tailles et de dimensions variées, presque toutes disponibles en ligne. Il y a des tubes de nombreuses dimensions différentes, et des roulements tout aussi variés, souvent bien moins chers que les roulements de vélos. Scrollez, faites vos recherches, apprenez les dénominations et nomenclatures industrielles pour faciliter vos investigations, vous trouverez un peu de tout rapidement
Meuleuse et perceuses sont à internet ce que le vin est à tes relations amicales
Elles fluidifient, donne du jeu là où tu n’en trouvais pas. Si on peut trouver de nombreux diamètre, de tubes dans le magasin du coin et de roulements en ligne, tout n’est pas disponible. Il y aura souvent une moitié ou un dixième de millimètre par-ci par-là, qui poseront problème. C’est d’autant plus vrai quand on cherche un diamètre intérieur spécifique, alors que les normes de dimensions de tubes se basent sur des chiffres ronds quant aux diamètres extérieur. Qu’à cela ne tiennent, il restent possible de choisir des tubes un peu plus épais et enlever de la matière. S’il est nécessaire de trouver un tourneur, pourquoi pas, mais on peut déjà faire des miracles avec des outils à portée de main. La Dremmel et la meuleuse droite, pour gratter à l’intérieur bien sur. Mais aussi une perceuse pour faire pivoter une pièce et enlever de façon homogène de la matière sur l’extérieur. Pour cela, la perceuse à colonne et sa stabilité peuvent être bien pratique. Sinon, fixer sa perceuse au moyen de collier de serrage contre un plan de travail peut faire l’affaire. Enrouler la toile émeri autour de la pièce à amaigrir, lancer le moteur, vérifier de temps autres au pied à coulisse le diamètre atteint, et on obtient le résultat recherché. On peut aussi replacer la toile émeri par une meuleuse, bien pratique notamment quand on veut charioter sur une longueur limitée. Avoir une perceuse bien axée est ici important, de même que pouvoir régler la vitesse de sa meuleuse. On est rapidement limité par le diamètre maximal que prend le mandrin, auquel cas on peut envisager de souder par quelques points la pièce à un cylindre suffisamment mince, mais il faut alors évidemment bien centrer les pièces l’une par rapport à l’autre.
On s’improvise ici comme tourneur avec des outils rudimentaires. N’y voyons pas de mal. Le matériel de précision coûte une fortune. Les vélos, même vélo-cargos, ne sont pas soumis aux mêmes contraintes que les bagnoles et les machines de l’industrie, tant en terme de charges de travail de vitesses de rotation. La précision relative de ces procédés peut souvent suffire pour ces contraintes limitées avec un peu de bon sens.
La sous-traitance bienvenue : tourneur et découpeur laser
Il y a aussi des fois ou cela ne suffit pas : Faire appel au tourneur dans ce cas là. Pour des volumes conséquents, c’est toujours du bon sens. Et il y a aussi des nouvelles perspectives qu’ouvrent la sortie des standards de l’industrie du vélo : on peut faire soi-même des pièces qu’on envisageait pas de faire soi-même avant. Je prends un exemple inspirant de Véloma, que je remercie de leur accueil récent, la réalisation de fourche. L’industrie assemble les tubes de pivots par presse dans la couronne, mais on peut aussi le faire par soudage. A la place de la couronne de fourche La contrainte qu’opérera l’espacement de platines identiques, ayant chacune un trou pour le pivot et un pour chaque fourreau, permettent de garantir le parallélisme des trois tubes, sans déformations des angles droits liés la soudure. Ces platines peuvent être usinées de façon artisanal, mais on peut alors aussi envisager de sous-traiter la découpe des platines, des supports d’étriers de frein à disque, et acheter un lot de roulement adéquat : pourquoi pas un roulement de butée en bas, et deux roulements à aiguille de diamètre intérieur 30 mm ? on se contente alors d’un pivot de 30 mm de diamètre tant à sa base qu’à son extrémité haute, au lieu de 28.6mm en haut. Il n’y a pas de roulement de format 30x44mm ? Qu’à cela ne tienne, on prend un autre format de taille raisonnable, pour lequel on aura trouvé un tube au diamètre intérieur convenable ou facilement alésable.
Sortir des normes, mais faire du solide et opensourcer
Tout est plus accessible et adaptable de cette façon. Il y a cependant un bémol. On doit fabriquer des choses qui tiennent dans la durée. La maintenance doit être minimale et possible. Les roulements sont des pièces d’usure, dont la standardisation a le mérite de rendre le remplacement faisable par n’importe quel cycliste bricoleur ou vélociste raisonnablement compétent. Il convient donc de pallier à ce changement de paradigme, considérer ces contraintes au moment de choisir le matériel, et de rendre accessible l’information sur le format des pièces. Par exemple, on prendra des roulements épais quand ça n’affecte pas trop l’épaisseur et la rigidité des tubes et axes impliqués ; on préférera les roulements à aiguille ayant des bagues pour éviter l’usure de tubes qui n’auront pas eu de trempes, on peut aussi graver leur dimension pour rendre superflu le pied à coulisse au moment de les changer .